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La Namibie en safari aérien : voyage austral

 

 

LE MONDE PAR TOUS LES MOYENS (5/7) – Entre l’Angola et l’Afrique du Sud s’étend l’un des territoires les plus arides de la planète. Le survoler, c’est prendre toute la mesure des merveilles et défis que la nature y a semés avant de s’y confronter sur la terre ferme.
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J’en profite
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Source Le Figaro Magazine

La carlingue s’ébroue une dernière fois, avant de se stabiliser dans un ciel presque trop bleu. Un de ces bleus qui, le soir venu, quand d’azur il devient nuit, dévoile des lambeaux d’univers. On y suit la Voie lactée comme nulle part ailleurs. La Croix du Sud scintille elle aussi et les Nuages de Magellan semblent mouvants… Ce ciel namibien si pur (la faible densité de population du pays – 2,5 habitants au kilomètre carré – explique l’absence de pollution visuelle), des astronomes du monde entier viennent l’observer. A 100 km à l’ouest de Windhoek, la capitale, un des plus grands télescopes du monde, le HESS II (28 m de diamètre), y traque en ce moment et depuis 2012 les rayons cosmiques gamma de très haute énergie émis depuis des distances intersidérales. En mai dernier, l’engin livrait sa première grande découverte par la voix d’un collège de scientifiques issus de 14 pays et auquel est associé l’Observatoire de Paris: une étoile à neutrons vieille de 11 000 ans, le pulsar de Vela, deuxième du genre repéré par un télescope terrestre. Voilà qui ouvre bien des perspectives à l’observation galactique. Voire extragalactique…

A travers les hublots du Cessna (le modèle 210 N, cinq passagers maximum), le sol s’est dénudé et se craquelle par endroits comme un vieux parchemin. Plus nous volons vers le nord-ouest, plus l’influence du Namib, l’un des plus vieux déserts du monde (80 millions d’années), se fait sentir. La terre a pris une teinte beige orangé qui tranche avec le bleu du ciel. Une heure plus tôt, à l’aéroport de Windhoek, dans le petit salon que Wilderness Safaris réserve à ses voyageurs, une hôtesse avait annoncé la couleur en répondant à la sempiternelle question du chasseur d’images sur la meilleure place à prendre dans l’avion: «A droite comme à gauche, vous en prendrez plein les yeux!» Avant d’atteindre Hoanib, avait-elle précisé, nous ferons une courte escale sur la piste du Doro Nawas Camp. Impossible, donc, de rater le panorama sur le Brandberg, la «montagne qui brûle» des Damaras, (celle des dieux pour les Hereros), d’autant que l’imposant massif granitique (450 km²), trône du Königstein (le point culminant du pays, 2 574 m), émerge tel un mirage au cœur des plaines arides du Damaraland.
Les sillons de rivières asséchées et leur feston de végétation opportuniste semblaient la seule fantaisie, jusqu’à ce que le regard vienne buter sur des accidents géologiques. Ici, des affleurements, lisses comme des caresses ; là, des échines de basalte, revêches, des plissements de roches veinées de quartz, truffées de mica, piquetées de tourmaline et de topaze, et des inselbergs monumentaux qui trahissent de très anciennes colères volcaniques et poussées telluriques. Personne ne moufte dans l’habitacle, abasourdis que nous sommes devant tant de vide et tant de chaos… Et la température monte dans le Cessna tandis que le soleil progresse vers son zénith. Difficile d’imaginer la vie dans un tel environnement et sous un tel climat. Et pourtant, un peu plus au nord, dans le cirque de grès rouge de Twyfelfontein, plus de 2 000 pétroglyphes datant pour certains de l’âge de pierre (6 000 ans avant J.-C.) ont été découverts. Héritage des Sans (Bochimans) et preuve que ce peuple de chasseurs-cueilleurs arpentait la région bien avant que les bergers nomades damaras ne les en chassent et les repoussent vers l’est voir si l’herbe est plus verte dans un autre désert, celui du Kalahari. Au centre du Brandberg, les Sans ont laissé la Dame blanche, une peinture qui ne lasse pas de surprendre, même si l’œuvre s’admire désormais derrière une grille, un touriste ayant jugé bon de la dédicacer.
Hub du désert

Quelques miles plus loin, une vaste plaine apparaît et, avec elle, la piste de Doro Nawas, sur laquelle nous nous posons dans un nuage de poussière, après 1 h 45 de vol, à 11 h 15 pétantes. Situé au carrefour des routes aériennes menant aux différents camps Wilderness Safaris en Namibie, le petit aérodrome est une sorte de hub du désert pour sa compagnie aérienne, Wilderness Air, fondée en 1991 pour desservir ses lodges au Botswana. La flotte s’est agrandie au rythme des ouvertures de camps à travers l’Afrique australe et compte aujourd’hui 45 avions, du petit Cessna 210 N au 208 B Grand Caravan (12 passagers) ; 37 pilotes assurent les liaisons en Namibie, au Botswana, mais aussi en Zambie et au Zimbabwe.

En bordure de la piste, quelques cahutes de tôles et de planches, l’aérogare du désert! L’une d’elles fait office de salon d’attente pour voyageurs en transit. Bientôt, d’autres avions se posent et l’abri se remplit. Des Italiens de retour du parc national du Namib-Naukluft montrent à un couple d’Américains des photos de Big Daddy, plus haute dune du monde et star de Sossusvlei, dans le grand erg du Namib. Il occupe la côte sud du pays, entre Lüderitz et Swakopmund, deux villes fondées au XIXe siècle par les Allemands, chacune délimitant un territoire.

Au sud de Lüderitz et jusqu’au fleuve Orange, à la frontière sud-africaine, s’étend le Sperrgebiet, vaste zone interdite où le gouvernement namibien et son associé privé, la compagnie De Beers, exploitent un gisement alluvionnaire de diamants, l’un des plus grands au monde, découvert en 1908. De Swakopmund jusqu’à l’embouchure de la rivière Ugab, 200 kilomètres plus au nord, les Namibiens ont leur «Costa Brava», la National West Coast Tourist Recreation Area. On y vient prendre un bain d’iode au milieu des cormorans sur les plages de Swakopmund, faire de la luge sur les dunes alentour et pratiquer la pêche au gros dans des eaux que le Bengala, un courant froid venu de l’Antarctique, rend particulièrement poissonneuses. Cet eldorado, les pêcheurs le disputent aux otaries du Cap dont la Namibie abrite la plus grande colonie (environ 650 000 individus). Les touristes viennent les admirer sur le site de Cape Cross où une croix en pierre témoigne du passage du navigateur portugais Diego Cão en 1486. Bien avant que d’autres infortunés marins ne viennent s’échouer sur ces rivages désolés, où nombre d’épaves jonchent encore le sable donnant à la côte son lugubre surnom.

Au-delà de Terrace Bay, l’accès à la partie la plus sauvage de la Skeleton Coast est interdit, sauf pour les hôtes des deux seules concessions touristiques accordées par le ministère de l’Environnement et du Tourisme. La première est gérée par Skeleton Coast Safaris, l’agence pionnière. Son fondateur, Louw Schoeman, un Allemand, avocat de formation, fut l’un des premiers à faire découvrir ce littoral spectaculaire aux touristes au tout début des années 1970. Il fut même l’un de ceux qui milita pour son classement en parc national, ce qui advint en 1971. Il obtint la première concession privée en 1977, six ans avant la naissance de Wilderness Safaris…

Après le départ d’un groupe pour le Serra Cafema Camp, situé à la frontière angolaise, sur les rives du Kunene, territoire des emblématiques Himbas et des zèbres de Hartmann, c’est à notre tour de décoller. Le vol dure 40 minutes, rase de près des montagnes tabulaires dignes des mesas de l’Arizona et s’achève entre deux lignes de crête, sur la concession privée la plus isolée de tout le pays. Originaire d’une communauté de la région, comme 85 % du personnel travaillant pour la compagnie sud-africaine – le meilleur moyen d’impliquer les populations locales dans la préservation de leur écosystème -, Papa G sera notre guide durant notre séjour.