Le Zimbabwe a réclamé vendredi l’extradition du riche dentiste américain du Minnesota qui a tué début juillet le lion Cecil, spécimen protégé et attraction vedette de la grande réserve animalière de Hwange située non loin des célèbres chutes Victoria.
Mâle dominant du parc, Cecil était remarquable pour sa crinière noire et sujet d’une recherche scientifique sur la longévité des lions de l’université britannique d’Oxford, qui l’avait équipé d’un collier émetteur.
Walter Palmer, venu du Minnesota pour s’adonner à sa passion, la chasse à l’arc, a affirmé avoir été abusé par ses guides locaux. Il pensait chasser en toute légalité, a-t-il ajouté. Il était reparti avant que le scandale n’éclate, non sans demander qu’on lui expédie son trophée, la tête de l’animal débarrassée de son collier.
«Malheureusement, il était trop tard pour appréhender le braconnier étranger parce qu’il s’était déjà évaporé vers son pays d’origine», a regretté lors d’un point presse Mme Oppah Muchinguri, ministre de l’Environnement du Zimbabwe.
«Nous demandons aux autorités compétentes son extradition vers le Zimbabwe pour qu’il puisse être jugé pour les infractions qu’il a commises», a-t-elle annoncé.
La procédure a toutefois peu de chances d’aboutir.
Contrairement à l’Union européenne (UE), les États-Unis maintiennent le Zimbabwe sous sanctions en raison des atteintes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales du régime du président Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980.
La ministre a même accusé le chasseur d’avoir voulu «nuire à l’image du Zimbabwe et détériorer encore plus la relation entre le Zimbabwe et les États-Unis».
«Nous prenons l’affaire très au sérieux», a-t-elle insisté. «Nous voulons qu’il soit jugé aux États-Unis et aussi extradé au Zimbabwe», a insisté la ministre. «Je suis ravie de savoir que près de 500 000 personnes exigent son extradition sur Facebook, nous avons besoin de ce soutien».
Un passe-temps d’ultra-riches
L’émoi suscité à l’étranger par la mort du lion s’accompagne d’une virulente campagne visant personnellement le chasseur – qui ne s’est pas montré en public – éclaboussant au passage le lobby américain de la chasse et ses alliés politiques.
Les safaris de grande chasse coûtent plusieurs dizaines de milliers de dollars et sont prisés généralement par une clientèle de riches étrangers.
Les adeptes locaux de la chasse tuent plutôt des antilopes, impalas, koudous ou autres oryx.
La chasse est autorisée hors des parcs animaliers et uniquement dans des réserves privées.
Décriée par certains, la grande chasse est une source non négligeable de revenus, générant environ 40 millions de dollars par an au Zimbabwe, selon l’autorité de protection de la faune sauvage et des parcs nationaux zimbabwéens.
La population de lions serait d’environ 2000 spécimens dans le pays d’Afrique australe, a précisé son directeur général Edson Chidiya. Un quota limité est autorisé à la chasse, 50 à 70 par an selon lui, pas plus de 30 selon une autre source.
Le Zimbabwe tire aussi parti de l’exportation de ses spécimens sauvages. Le pays a exporté des bébés éléphants cette année, notamment vers la Chine.
Dans une interview au quotidien britannique Telegraph, Theo Bronkhorst, l’opérateur de safari qui a organisé l’expédition du dentiste américain, s’est défendu, affirmant avoir été obligé à la dernière minute de changer d’aire de chasse, car son client avait égaré sa valise.
Il a reconnu avoir chassé de nuit, ce qui est en principe interdit, et confirmé que le lion a d’abord été seulement blessé. L’animal a été achevé le jour suivant et c’est là que M. Bronkhorst, accompagné de son fils Zane, a paniqué en trouvant le collier GPS.
M. Bronkhorst a été inculpé pour ne «pas avoir empêché une chasse illégale» et remis en liberté surveillée avant le début du procès le 5 août. Honest Ndlovu, le propriétaire de la réserve privée où le lion a été chassé, devrait probablement être inculpé la semaine prochaine.